Sen Genshitsu, maître de la cérémonie du thé, s’éteint à 102 ans

Décès de Sen Genshitsu, quinzième grand maître de l’école Urasenke, à 102 ans. Retour sur sa vie, son rôle de diplomate du thé et son héritage culturel.
Le monde du chadō perd l’une de ses figures les plus influentes. Sen Genshitsu, quinzième grand maître de l’école Urasenke et infatigable ambassadeur de la paix par le thé, est décédé le 14 août 2025 à Kyoto, à l’âge de 102 ans. Pendant plus d’un demi-siècle, il a incarné l’art de la cérémonie japonaise du thé et en a fait un langage universel pour rapprocher les cultures.
D’un ciel de guerre à une tasse de paix
Né à Kyoto en 1923 dans une famille dépositaire d’un savoir-faire séculaire, Sen Genshitsu – de son nom de naissance Masayuki Sen – était destiné à perpétuer l’héritage de l’Urasenke, l’une des trois grandes lignées de la cérémonie du thé au Japon.
La Seconde Guerre mondiale bouleversa ce destin : jeune homme, il fut formé comme pilote kamikaze, mais ne fut jamais envoyé en mission. Cette expérience marqua profondément sa vision de la vie et inspira sa devise : « Un bol de thé peut apaiser l’esprit ; si chacun goûte cette paix, il n’y aura plus de guerre. »
Un maître itinérant
Devenu iemoto (grand maître) en 1964, il occupa cette fonction jusqu’en 2002 avant de prendre le titre honorifique de Daisōshō. Plutôt que de se limiter aux salons japonais, il prit le parti de voyager : plus de 70 pays visités, des centaines de cérémonies organisées devant des publics variés, des palais royaux aux campus universitaires. Cette infatigable diplomatie lui valut le surnom de « maître volant ».
Il a ainsi offert le thé à la reine Élisabeth II, à Mikhaïl Gorbatchev, à des chefs d’État et à des citoyens ordinaires, convaincu que la simplicité du geste pouvait franchir toutes les frontières.
Gestes symboliques et dialogue interculturel
Parmi ses initiatives marquantes figure une cérémonie de thé tenue en 2011 au mémorial de l’USS Arizona, à Pearl Harbor, en hommage aux victimes de l’attaque de 1941. Un geste de réconciliation qui résume sa philosophie : employer un rituel codifié pour tisser des liens là où l’histoire a laissé des blessures.
Il s’est également produit au siège des Nations unies et dans de nombreux centres culturels, où il enseignait que le thé n’était pas seulement une boisson, mais un moment suspendu propice au respect mutuel.
Une fin de vie paisible
Hospitalisé depuis mai 2025 après une chute, il avait vu sa mobilité diminuer. Il s’est éteint des suites de complications respiratoires, entouré des siens. Une cérémonie privée sera suivie d’un hommage public, afin que ses disciples et admirateurs puissent lui rendre les honneurs.
Décoré de nombreuses distinctions, dont l’Ordre de la Culture du Japon, Sen Genshitsu laisse un héritage vivant : celui d’un art millénaire réinventé comme outil de dialogue et de paix.
Héritage
Sous son impulsion, l’Urasenke est devenue une véritable passerelle entre le Japon et le reste du monde. Ses enseignements, transmis aujourd’hui par la seizième génération de la famille, continuent de rappeler qu’une tasse de thé, si simple en apparence, peut contenir l’espoir d’un monde plus apaisé.
L’annonce du décès de Sen Genshitsu, maître japonais de la cérémonie du thé, a été largement couverte à travers le monde. Des médias tels que Le Monde, AP News l'UNESCO et bien d'autres retracent son parcours et l’héritage qu’il laisse derrière lui.
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